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LE COÛT ÉCONOMIQUE D’UN VIRAGE POPULISTE DU V4

  • Photo du rédacteur: Observatoire Socio-économique
    Observatoire Socio-économique
  • 25 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 juin

Le 9 mai 2025, à l’occasion du 80e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie, le Premier ministre slovaque Robert Fico s’est rendu à Moscou pour assister aux commémorations officielles aux côtés de Vladimir Poutine. Il a été le seul chef de gouvernement d’un pays de l’Union européenne à participer à cet événement, malgré les avertissements de Bruxelles et les critiques de plusieurs dirigeants européens, dont le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui a qualifié cette présence de « honteuse ». Cette visite a déclenché une vague de protestations en Slovaquie. En effet, des milliers de manifestants se sont rassemblés à Bratislava et dans d'autres villes pour exprimer leur opposition à ce qu'ils perçoivent comme un alignement pro-russe de leur gouvernement. Les slogans « La Slovaquie est l’Europe » et « Fico ne nous représente pas » ont résonné dans les rues, illustrant une fracture croissante entre le pouvoir exécutif et une partie significative de la population.

Cette séquence illustre une dynamique plus large : la montée du populisme en Europe centrale, qui remet en question les fondements économiques et diplomatiques du groupe de Visegrád. Alors que ces pays étaient autrefois perçus comme des modèles de transition vers l'économie de marché et l'intégration européenne, ils semblent aujourd'hui s'engager sur une voie de repli souverainiste et de défiance envers les institutions européennes.

Un populisme enraciné dans la défiance démocratique

Depuis une décennie, les pays du groupe de Visegrád sont devenus un laboratoire du populisme européen. Ce phénomène trouve ses racines dans une profonde « lassitude transformationnelle » née des promesses déçues de l’après-communisme et des réformes de marché des années 1990. Cette fatigue s’accompagne d’une défiance croissante envers les élites politiques, les institutions et l’Union européenne, mais est également nourrie par une perception d’injustice économique et sociale de la part de la population. Les gouvernements populistes, notamment en Hongrie et en Pologne, ont su capitaliser sur ce climat en adoptant un discours simplificateur, nationaliste et anti-élite, ce qui leur a permis de consolider leur pouvoir.

Un modèle politique en tension avec l’économie de marché

Cette montée en puissance populiste a un impact tangible sur l’environnement économique. En Hongrie, la mainmise d’Orbán sur la justice et les médias a conduit à plusieurs sanctions de Bruxelles, dont le gel de 22 milliards d’euros de fonds européens, affectant directement, par conséquent, les investissements étrangers et la stabilité budgétaire. Le nationalisme économique prôné par ces gouvernements remet également en cause les principes de libre marché. En Pologne, les interventions répétées dans la politique monétaire et les tensions autour de l’indépendance de la banque centrale ont affaibli la crédibilité du pays auprès des investisseurs internationaux.

Ces tendances alimentent un climat d’incertitude, freinant la confiance des marchés. L’effet est d’autant plus notable que les économies du groupe de Visegrád restent très dépendantes des exportations et des chaînes de production européennes.

 

Affaiblissement des alliances et isolement régional

L’impact du populisme dépasse les seules frontières nationales. Les tensions diplomatiques croissantes, comme entre la Tchéquie et la Slovaquie en raison des orientations opposées de leurs gouvernements, fragilisent la coopération régionale. En interne, la mise à distance de Bruxelles affaiblit la voix du groupe de Visegrád dans les négociations européennes sur, par exemple, l’énergie, les fonds structurels ou la politique industrielle. La présence de partis populistes dans les institutions européennes complexifie la prise de décision, notamment sur les questions budgétaires et fiscales.

 

Vers un point de bascule ?

À l’échelle européenne, la tendance s’amplifie : en 2025, les partis d’extrême droite sont devenus les plus populaires du continent selon les derniers sondages. L’immigration restant un thème central, c’est la perte de confiance généralisée envers les institutions qui constitue le principal moteur de cette poussée. Dans cette dynamique, les pays de Visegrád jouent un rôle clé. Mais en s’éloignant des normes de gouvernance libérales et des règles communautaires, ils risquent de s’auto-marginaliser dans une Europe en mutation, perdant ainsi leur capacité d’influence et d’attractivité économique.

 

Cette étude nous montre alors la nature ambivalente que revêt le populisme en Europe centrale. Il constitue une réponse puissante à des frustrations politiques, économiques et culturelles bien réelles. Mais ses conséquences, notamment économiques, s’avèrent de plus en plus préoccupantes.

Dépendance accrue aux fonds européens, isolement diplomatique, défiance des investisseurs, ralentissement des réformes structurelles: les symptômes se multiplient. À mesure que les gouvernements populistes renforcent leur emprise, le groupe de Visegrád voit s’éroder sa capacité à parler d’une seule voix, à défendre ses intérêts communs au sein de l’Union européenne, et à maintenir un climat économique attractif. Plus largement, cette dynamique met en lumière une tension fondamentale entre souverainisme politique et intégration économique. Le populisme, en prônant le repli national, affaiblit les leviers d’action collective qui ont fait la force économique des pays d’Europe centrale depuis les années 2000.

Si la vague populiste continue de s’étendre en Europe, le groupe de Visegrád pourrait bien en incarner les limites structurelles, marqué par un succès politique à court terme, mais un coût économique à long terme.

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