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RAPPROCHEMENT PEKIN-BRATISLAVA : LA SLOVAQUIE DEVIENT-ELLE UN PION STRATEGIQUE DE LA CHINE ?

  • Photo du rédacteur: Observatoire Géopolitique
    Observatoire Géopolitique
  • 30 nov. 2024
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 janv.

En 2013, le président chinois Xi Jinping présente au monde son projet pour la Chine : les « Nouvelles  Routes de la Soie ». Ce projet colossal reliant l’Eurasie redessine les rapports géopolitiques du XXIe  siècle, puisqu’il concerne 68 pays, dont 4,4 milliards d’habitants (soit plus dela moitié de la population  mondiale) et près de 40% du produit intérieur brut (PIB) mondial. Leur objectif étant de relier la Chine  au monde et concurrencer l’ordre mondial établit centré autour l’influence étatsunienne. 


Le rapprochement progressif entre la RPC et l’Europe des 27 

Dans le cadre de cette stratégie d'affirmation mondiale, la Chine s’implante progressivement en  Europe en matière économique et culturelle. L’Initiative 16+1 (aujourd’hui 14+1), considérée rétrospectivement comme échec, a été mise en place en 2012 pour promouvoir les relations entre la Chine et l’Europe centrale et l’Europe de l’Est. Cette initiative connait des césures, puisque les pays du groupe de Višegrad ne partagent plus une vision unique des relations avec la Chine. La Hongrie,  sous la gouvernance de Viktor Orbán, fait partie des « loyaux à la Chine » en plaçant cette dernière au cœur de sa politique économique et étrangère. Cette relation est qualifiée de “symbiotique” par  certains chercheurs. A contrario, la Tchéquie pense quitter l’initiative 14+1, puisqu’elle considère que  ce projetest devenu obsolète en raison de promesses non-tenues par la Chine. 


De ce fait, cette relation qualifiée de “gagnant-gagnant” par le gouvernement chinois n’est pas une vision par certains pays membres. Jeremy Garlick, professeur adjoint à l’Université d’économie et  de commerce à Prague, dépeint l’Initiative 14+1 comme une stratégie dont l’objectif est de « diviser  pourmieux régner ». 


Cette polarisation au sein du groupe de Višegrad et les élections législatives slovaques de 2023 contraignent la Slovaquie à repenser ses relations avec la Chine. L’actuel Premier Ministre Robert Fico, à la tête du parti social-démocrate SMER-SSD, s’est rendu début novembre en Chine avec une délégation de sept ministres dont le ministre des affaires étrangères Juraj Blanár. Le gouvernement chinois voit d’un très bon œil ce rapprochement entre les deux pays. De son côté, Juraj Blanár a  

déclaré que cette visite comme « historique ». Au cours de cette rencontre, les délégations chinoises  et slovaques auraient signé plusieurs accords bilatéraux encourageant une coopération à la fois sur le  plan économique et culturelle. Pour renforcer cette nouvelle « amitié », les slovaques possèdent  dorénavant une exemption de visa pour 15 jours sur le territoire chinois


« La visite de l’année » slovaque en RPC 

Un thème important abordé lors de cette visite d’État était la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Le gouvernement slovaque se dit favorable à l’intervention de la Chine dans la construction de la paix malgré ses positions floues sur cette guerre. Selon Juraj Blanár, la Slovaquie soutient le consensus en  six points proposé par la Chine et le Brésil sur le règlement politique de la crise ukrainienne. Une  nouvelle diplomatie avec les pays émergents du groupe des BRICS paraît donc à travers ces récentes dynamiques. 


De plus, Robert Fico se positionne contre la volonté protectionniste européenne qui tente de se  détacher des importations et investissements chinois. A ce propos, ce-dernier a déclaré : « Nous  voulons aller là où nous voyons desopportunités commerciales. Il ne sert à rien de visiter des endroits en Europe où pratiquement toutes les options ont été épuisées. Nous devons chercher de nouvelles opportunités ». La Chine participerait notamment à des projets d’infrastructures slovaques comme le Tunnel des Carpathes, dernière partie du périphérique de Bratislava non-construite, qui serait construit par des projets peer-to-peer conclus entre la République slovaque et des entreprises privées chinoises. 


Pour encourager la coopération commerciale entre les deux pays, une partie de cette visite d’État a  été consacrée à un « business forum » entre des entreprises slovaques et chinoises. Au total, 77  représentants de 56 entreprises ont participé à cette visite d’État du côté slovaque. 


Des opposants, comme la députée parlementaire slovaque Veronika Remišová considère que Robert Fico anticipe le retrait de certains fonds européens le poussant donc à se tourner vers des  investissements chinois. De plus, ce rapprochement semble remettre en cause la bonne relation de la  Slovaquie avec Taiwan, ces nouvelles positions du Premier Ministre slovaque forceront la  modification des relations entre la Slovaquie et la République de Chine (Taïwan). 


L’élargissement du portfolio automobile slovaque en opposition aux accords de l’UE 

Le 20 et 21 août, la vice-première ministre slovaque et ministre de l'économie Denisa Saková s'est rendu en Chine pour visiter l'usine Gotion fabriquant de batteries. Cette visite a été suivie par la rencontre d’État au début du mois de novembre, lors de laquelle Robert Fico a conclu un accord avec le leadership chinois pour la construction d’une usine de batteries à Šurany (dans la région de Nitra).  Cet investissement de 1,4 milliards € est le second investissement étranger le plus grand de l’histoire  de la Slovaquie moderne. La construction de cette usine, qui pourrait commencer dès 2025, créerait  1300 emplois à haute valeur ajoutée. Le chef de l’exécutif slovaque encourage cet investissement car  Volkswagen, le géant automobile allemand et troisième employeur en Slovaquie, détient plus de 20% des actions de Gotion.  


En ce qui concerne la coopération avec Gotion, Robert Fico affirme que « Nous travaillons avec une  entreprise qui a également cette dimension et en raison du développement de l'électromobilité en  Europe et du grand nombre de voitures que nous produisons en Slovaquie, la présence d'une telle  société pour la production de lampes de poche dans les voitures électriques est extrêmement importante pour la Slovaquie ». Ainsi s’exprime une volonté slovaque de diversifier son portfolio en  termes de production automobile à l’aube des restrictions annoncées par l’Union européenne qui  vise, dans le cadre son Pacte vert, d’interdire la vente d’automobiles thermiques neuves d’ici 2035. Cet investissement, en défiance des accords européens, met de fait en exergue l’importance de ce  secteur pour l’économie slovaque, qui compte pour 14% du produit intérieur brut slovaque. 



L’influence chinoise est croissante dans les pays de Višegrad doit donc être analysée à l’aune du  changement de paradigme à l’œuvre aujourd’hui. Le conflit en cours en Ukraine, la concurrence croissante entre les États-Unis et la Chine, ainsi que les inquiétudes au sein de l’Union Européenne concernant une dépendance excessive à l’égard de la République Populaire de Chine incitent certains  pays membres comme la Hongrie et la Slovaquie à réaffirmer leurs partenariats stratégiques avec le  gouvernement Xi Jinping en concluant plusieurs accords et investissement bilatéraux.



Carte des « nouvelles routes de la soie », disponible sur le site Géoconfluences.



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