UNE VOLONTÉ DE RÉSOUDRE LE CONFLIT UKRAINIEN SUR LE SOL SLOVAQUE : QUELS ESPOIRS ?
- Observatoire Géopolitique
- il y a 7 jours
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Dernière mise à jour : il y a 21 heures
Le ministre des Affaires étrangères et européennes slovaque Juraj Blanár, proche du premier ministre slovaque Robert Fico, revendique dès son arrivée au pouvoir en octobre 2023 une politique étrangère orientée vers les quatre points cardinaux du globe . Cette politique inclut notamment la résolution du conflit ukrainien par un traité de paix. De ce fait, le premier ministre slovaque Robert Fico s’est rendu à Pékin en novembre et à Brasilia en décembre, soutenant la proposition conjointe de ces deux pays en matière de résolution du conflit. L’élargissement du groupe des BRICS+ et l’organisation de nombreux sommets entre les pays membres en font des acteurs importants dans la négociation d’un traité de paix. Entre le groupe de Visegrad, l’Europe, ainsi que les Etats-Unis ou encore les Etats des BRICS+, les acteurs dans la résolution du conflit russo-ukrainien se multiplient.
Toutefois, des conditions sine qua non de cessez-le-feu ont été annoncées en juin 2024 par le président russe Vladimir Poutine, incluant l’abandon du projet d’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et le retrait ukrainien des régions de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia. Celles-ci sont jugées inadmissibles pour l’Ukraine, battant en brèche l’éventualité de dialogue lors d’un sommet de paix et la cessation des conflits.
SOMMET DE PAIX : UN ÉVÉNEMENT SOUHAITÉ MAIS COMPLEXE À METTRE EN PLACE DANS UN MONDE POLARISÉ
Avant Noël, le premier ministre Slovaque a rencontré le président russe Vladimir Poutine lors d’une visite inattendue et secrète à Moscou. Dans un communiqué sur Facebook, Robert Fico dévoile qu’il a échangé avec le président russe sur les “possibilités d'une fin pacifique et rapide de la guerre” ainsi que sur “les relations mutuelles entre la Slovaquie et la Fédération de Russie”. La volonté de Robert Fico d’uniformiser les relations russo-slovaque trouble de fait la position de la Slovaquie vis-à-vis du conflit et des éventuelles modalités de paix.
Concernant la possibilité d’un sommet pour la paix en Ukraine, le président russe répond à une journaliste : “Oui, nous ne sommes pas contre si cela se produit. Pourquoi pas ? De notre point de vue, la Slovaquie occupe une position neutre”. Cette affirmation de fin décembre semble paradoxale, puisque la Slovaquie, pays membre de l’UE et de l’OTAN, ne semble pas être un pays neutre au regard des jeux d’alliances dans lesquels il participe.
Les dirigeants slovaques interrogés sur une potentielle rencontre entre les dirigeants russes et ukrainiens s’appuient sur le Sommet Bush-Poutine, tenu en 2005 à Bratislava, pour tenter de répondre à cette problématique. Cependant, l’évolution du paradigme géopolitique et la détérioration des relations diplomatiques entre la Russie et le monde occidental, dont la Slovaquie qui fait partie intégrante, mettent en péril la velléité d’une telle rencontre.
DES TENTATIVES DE PAIX FRAGILE DE LA PART DE LA COALITION GOUVERNEMENTALE SLOVAQUE
Le vice-président du Conseil National de la République Slovaque et chef du Parti National Slovaque (SNS) Andrej Danko a appelé dans un débat télévisé l’opposition parlementaire ainsi que l’ancienne présidente libérale Zuzana Čaputová à négocier avec Zelenskyy “pour que les négociations se tiennent à Bratislava” ; tandis que de son côté, Andrej Danko et son parti pourraient négocier avec Vladimir Poutine. Il affirme: “Nous nous entendons avec la Fédération de Russie, avec le président Poutine. Ils [l’opposition] peuvent s'entendre avec Zelenskyy”. En s’appuyant sur les divergences entre les différentes sensibilités politiques en Slovaquie, le leader du SNS souhaite faire du pays un espace de délibération où chaque partie belligérante pourrait trouver sa place.
Dans ce sillage, Andrej Danko a ainsi réalisé un déplacement à Moscou au début du mois de janvier 2025, dont il a été chef d’une délégation parlementaire officielle, une première pour un État membre de l’UE depuis le début de l’invasion russe en Ukraine. La délégation incluait plusieurs cadres du parlement slovaque, dont parmi eux : le vice-président du Conseil National et proche de Robert Fico Tibor Gašpar (SMER-SSD), le président de la commission parlementaire des affaires étrangères Marián Kéry (SMER-SSD) et le président de la commission parlementaire de la défense et de la sécurité Richard Glück (SMER-SSD).
Parmi les rencontres effectuées par cette délégation, on peut noter une réunion avec la présidente du Conseil de la Fédération de Russie (chambre haute de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie) Valentina Matvienko, une réunion avec le président de la Douma d’État (chambre basse du parlement russe) Viatcheslav Volodine et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, les trois étant des membres du parti présidentiel Russie unie et de proches alliés du président Poutine.
Cependant, en opposition à cette rencontre, le chef de l’opposition parlementaire Michal Šimečka s’est rendu le 17 janvier à Kyiv pour rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy. Cette rencontre s’est inscrite dans un épisode de tensions entre V. Zelenskyy et R. Fico, qui a culminé par l’envoi d’une lettre de Robert Fico au président ukrainien demandant une réunion, à laquelle V. Zelenskyy a répondu sur X : “Ok. Viens à Kyiv vendredi.”
Une césure parlementaire entre l’opposition et le gouvernement s’opère alors dans les négociations. La Slovaquie conserve donc une position assez confuse sur les modalités de paix à mettre en place et sur sa position vis-à-vis de la Russie.
Le mercredi 12 février 2025, l’appel téléphonique entre Vladimir Poutine et Donald Trump implique un tournant décisif dans le déroulement du conflit et sa résolution. En effet, des acteurs majeurs tels que l’Ukraine et l’Union Européenne se retrouvent désormais mis à l’écart des négociations. Cet appel est qualifié d’une part par le président Donald Trump de “très positif et encourageant”, et d’autre part par Léonid Sloutski, à la tête de la Commission des Affaires étrangères de la Douma, qui affirme que cette communication avait “brisé le blocus antirusse de l’Occident et lancé le processus de dégel”.
Volodymyr Zelenskyy, quant à lui, se montre réticent à l’idée d’entamer des négociations. Les différentes manifestations organisées en Slovaquie, depuis le début de l’année 2025, dans la capitale ou dans des villes plus à l’Est comme Košice ou Banska Bytrica ont réunis des dizaines de milliers de participants. Elles reflètent une opinion publique concernée et qui apportent son soutien aux ukrainiens. La Slovaquie se retrouve donc tiraillée entre un gouvernement qui se rapproche de la Russie et une opinion publique résolument sensible à la question ukrainienne.